Un centenaire est l’occasion de faire le bilan
Ann Skelton
Ann Marie Skelton (née le 13 juillet 1961) est une juriste sud-africaine et une militante des droits de l’enfant, présidente du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies depuis mai 2023. Elle est professeur de droit privé à l’Université de Pretoria, où elle est titulaire de la Chaire UNESCO en droit de l’éducation en Afrique. Elle est également titulaire de la Chaire en droits de l’enfant dans un monde durable à l’Université de Leiden.
Spécialiste du droit des mineurs, Mme. Skelton s’est fait connaître en tant qu’avocate et défenseure des droits de l’Homme, d’abord au sein d’organisations à but non lucratif, puis dans le cadre du programme de contentieux stratégique du Centre pour le droit de l’enfant de l’Université de Pretoria, qu’elle a dirigé. Elle a en outre joué un rôle important dans la réforme du droit de l’enfance dans l’Afrique du Sud post-apartheid, en tant que membre de la Commission sud-africaine de réforme du droit, et plus particulièrement dans sa fonction de présidente du comité qui a rédigé la loi de 2008 sur la justice pour les enfants.
Un centenaire est l’occasion de faire le bilan – et ce livre nous permet de découvrir une série de réflexions et d’idées nées durant ce siècle, de contempler la situation actuelle et d’envisager l’avenir des droits de l’enfant. Le centième anniversaire de la Déclaration de Genève sur les droits de l’enfant nous invite également à nous souvenir de l’œuvre pionnière de l’anglaise Eglantyne Jebb, mentionnée dans plusieurs chapitres, et de celle de Janusz Korczak, autre figure de proue de la réflexion sur les droits de l’enfant, mort avec deux cents enfants au camp d’extermination de Treblinka en 1942, 18 ans seulement après l’adoption de la Déclaration.
La dure réalité de millions d’enfants mourant de faim a poussé Eglantyne Jebb à trouver des solutions pour les enfants victimes de la guerre. Eglantyne et sa sœur Dorothy Buxton se sont efforcées d’attirer la sympathie de l’opinion publique sur les enfants de l’ennemi, afin qu’eux aussi soient protégés de la famine. Malheureusement la mission des sœurs reste inachevée. Les enfants subissent à nouveau les conséquences de la guerre et des millions d’entre eux sont confrontés à la malnutrition. Selon les recherches de Save the Children, 473 millions d’enfants dans le monde vivent dans des zones de guerre1. Les six violations graves des droits de l’enfant en temps de guerre, dont le Conseil de sécurité des Nations unies suit étroitement l’évolution, ont atteint des niveaux extrêmes ces dernières années. Les meurtres et les mutilations, le recrutement et l’exploitation d’enfants, le refus d’accès à l’aide humanitaire et les enlèvements figuraient en tête de la liste des violations vérifiées en 2023, d’après le rapport du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés publié en 20242. Le rapport indique que des enfants ont été « tués et mutilés en nombre sans précédent lors de crises dévastatrices en Israël et dans les territoires palestiniens occupés, notamment dans la bande de Gaza, mais aussi au Burkina Faso, en République démocratique du Congo, au Myanmar, en Somalie, au Soudan, en Syrie ou en Ukraine, parmi bien d’autres pays »3.
Le Comité des droits de l’enfant a appelé à des cessez-le-feu, à un retour aux principes fondamentaux du droit humanitaire et à des enquêtes approfondies et impartiales sur toutes les violations graves commises à l’encontre des enfants dans le cadre des conflits armés4. Eglantyne Jebb et Janusz Korczak n’en attendraient pas moins de ceux d’entre nous qui marchent dans leurs pas et dont la tâche consiste à assurer la mise en œuvre du texte qui a succédé à la Déclaration de 1924 – la Convention internationale des droits de l’enfant.
En 2023, la Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt à l’encontre de la Commissaire aux droits des enfants auprès du président de la fédération de Russie pour son rôle dans le crime de guerre que constitue la déportation et le transfert illégaux d’enfants des zones occupées de l’Ukraine vers la Fédération de Russie. Cette affaire nous rappelle brutalement à quel point l’indépendance des institutions internationales de défense des droits de l’enfant est cruciale. Il s’agit d’une valeur fondamentale qui doit être défendue – à travers les processus de nomination et dans tous les autres aspects du travail. Certains chapitres de ce livre nous rappellent l’importance du travail de ces institutions. D’autres réfléchissent à la valeur de l’incorporation des droits énumérés par la Convention dans les législations nationales. Il est rafraîchissant de lire comment cette incorporation a eu lieu en Écosse, à une époque où les droits de l’enfant sont de plus en plus bafoués. La participation des enfants est un autre élément important mis en évidence dans certains chapitres du livre. Pour comprendre la manière dont les enfants eux-mêmes vivent leurs droits et traduire cela en changements positifs au niveau national, nous devons entendre ceux qui sont au plus près du terrain. Après tout, c’est au niveau local que se fait le véritable travail de la communauté internationale des droits de l’enfant.