Lors de la première journée de l’OKAJU-SummerSeminar 2025, Me Valérie Dupong a axé son intervention sur les droits patrimoniaux des enfants, les pensions alimentaires, les frais extraordinaires et la violence économique.
Me Valérie Dupong a retracé les principales évolutions du droit de la famille luxembourgeois, notamment depuis la loi du 27 juin 2018 Fonds National de Solidarité (FNS) qui a instauré le juge aux affaires familiales et réformé le divorce et l’autorité parentale. Inspirée par la Convention de New York de 1989, cette évolution a transformé la conception de l’enfant, désormais reconnu comme un véritable sujet de droit. Au Luxembourg, la collaboration interprofessionnelle entre juges, avocats et services sociaux s’est renforcée, mais de nombreux défis persistent.
Chaque enfant a droit à un niveau de vie suffisant et les parents ont le devoir d’assurer son entretien selon leurs moyens. Le juge, en cas de séparation, détermine la pension alimentaire en fonction des besoins de l’enfant et des ressources des parents. Le parent qui héberge l’enfant reçoit cette pension au nom et pour le compte de celui-ci. Versée mensuellement et indexée sur le coût de la vie, elle peut être révisée selon l’évolution des besoins ou de la situation financière. À partir de 18 ans, l’enfant peut la percevoir directement et en discuter le montant avec un parent.
Outre la pension de base, le juge peut imposer le partage de frais extraordinaires, tels que les frais médicaux non remboursés, les inscriptions scolaires ou universitaires, ou les activités extrascolaires. Ces dépenses exceptionnelles sont généralement réparties à parts égales ou proportionnellement aux revenus, mais elles donnent souvent lieu à des désaccords entre parents. Me Dupong a déploré que le système luxembourgeois ne permette pas de vérifier l’ensemble des avoirs d’un parent, contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni ou la Norvège, où la dissimulation de revenus est sanctionnée. De plus, le Luxembourg se limite à considérer les besoins de base de l’enfant, sans tenir compte du niveau de vie global, ce qui crée des inégalités entre les foyers parentaux.
Pour Me Dupong, cette situation engendre des tensions et une véritable violence économique envers les enfants, qui se retrouvent au centre des conflits financiers. Le parent qui a la garde principale s’appauvrit souvent, tandis que certains demandent une résidence alternée uniquement pour éviter de payer une pension alimentaire. Me Dupong plaide donc pour une réforme de la loi afin d’introduire des critères plus équitables, inspirés notamment du modèle allemand de la « Düsseldorfer Tabelle » ou du système belge, qui fixent les contributions parentales en fonction des revenus. Elle estime que les frais extraordinaires devraient être limités aux dépenses réellement exceptionnelles et que la loi devrait accorder au juge un pouvoir plus large pour trancher les questions liées aux aides, aux avantages fiscaux et aux allocations familiales, afin d’assurer une répartition plus juste entre les parents.
Enfin, Me Dupong souligne l’importance d’améliorer la qualité des rapports et expertises produits dans les affaires familiales. Elle regrette le manque de rigueur et de formation des experts, dont les avis influencent pourtant fortement les décisions de justice. Elle appelle à une professionnalisation de ce domaine, avec des protocoles clairs, une meilleure formation et une rémunération adéquate, afin de garantir des décisions plus justes et plus respectueuses de l’intérêt supérieur de l’enfant.
L’OKAJU encourage les responsables politiques à s’inspirer de modèles tel que le barème de
Düsseldorf. Rappelons que selon l’’article 27 de la Convention relative aux droits de l’enfant, l’État a un rôle beaucoup plus actif à jouer que c’est le cas actuellement à Luxembourg : « 4. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées en vue d’assurer le recouvrement de la pension alimentaire de l’enfant auprès de ses parents ou des autres personnes ayant une responsabilité financière à son égard, que ce soit sur leur territoire ou à l’étranger. En particulier, pour tenir compte des cas où la personne qui a une responsabilité financière à l’égard de l’enfant vit dans un Etat autre que celui de l’enfant, les Etats parties favorisent l’adhésion à des accords internationaux ou la conclusion de tels accords ainsi que l’adoption de tous autres arrangements appropriés.»
Au 31 décembre 2024 le nombre de créanciers se chiffrait à 467 contre 479 à la fin de l’exercice précédent. Le Fonds national de solidarité a été saisi de 176 demandes, dont 127 affaires ont été refusées, 69 suspendues et 27 se trouvent en voie d’instruction. 55,11 % des nouvelles demandes ont été refusées avec motif ‘dossier incomplet’, Une réflexion plus large sur l’aide apportée aux familles monoparentales est nécessaire au Luxembourg car il y a peu d’aides prévues pour ce groupe vulnérable et peu d’informations sur l’impact des politiques actuelles, notamment la fiscalité. Afin de prendre des mesures concrètes, un projet de loi a été élaboré, qui prévoit d’inclure la monoparentalité comme critère supplémentaire pour l’attribution de logements locatifs abordables. Cela permettrait de traiter ce groupe vulnérable de manière prioritaire, car il est particulièrement touché par la précarité.
Le non-recours aux aides existantes reste problématique. Une refonte du système d’aides s’impose pour le rendre plus accessible et efficace, avec une attention particulière portée aux familles monoparentales et à l’accès prioritaire aux structures de garde d’enfants pour les familles en situation de précarité. Par exemple, près de 30 % des ménages éligibles au Revis n’en ont pas fait la demande en 2024.
Pour remédier à ce problème, des processus de demande automatisés sont en cours d’introduction. Il est également prévu d’ouvrir un guichet unique social en 2025, où une assistance sera disponible par le biais d’un bureau physique, d’une ligne d’assistance téléphonique, d’une plateforme en ligne et d’équipes mobiles.
L’OKAJU est aussi préoccupé par l’augmentation du nombre de jeunes adultes qui se trouvent sur les listes d’attente pour un logement encadré (via l’office national de l’enfance (ONE) ou Jugendwunnen).
L’OKAJU salue l’élaboration d’un Plan d’action national pour la prévention et la lutte contre la pauvreté qui va dégager des pistes pour diminuer le taux de non-recours à des aides. De plus, il encourage tous les acteurs à réaliser d’une manière ambitieuse le Plan d’Action National « Garantie pour l’Enfance » (2021-2030).