Implementing the United Nations Convention on the Rights of the Child: genuine successes or ratification alone?

Renate Winter

Renate Winter began her judicial career in 1981 in Vienna as judge of the Viennese Youth Court. She has since been an international judge, vice president and president of the Special Court of Sierra Leone, and an international judge at the Supreme Court in Kosovo. She has also been president of the International Association of Youth and Family Court Judges and Magistrates.

Renate works with international organisations, the Council of Europe, United Nations bodies and the European Union. She provides advice to governments on issues relating to juvenile justice and child protection, women’s issues, child soldiers, organised crime, and the integration of asylum seekers and refugees. She assists governments in drafting laws and with monitoring and evaluating their justice systems.

She has longstanding experience with European projects on judicial reform and justice institutions in numerous countries. In 2013, she became a member of the United Nations Children’s Rights Committee, subsequently serving as vice president and president of the Committee.

Renate continues to advise governments, intergovernmental organisations and non-governmental organisations.

La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 novembre 1989. Elle est entrée en vigueur le 2 septembre 1990 après avoir été ratifiée par un nombre d’États supérieur à celui requis. Certaines réserves ont été émises au début, mais elles se sont progressivement dissipées au cours des trois dernières décennies. En effet, selon les Nations Unies :

Ces 30 dernières années, la vie des enfants a été transformée par cette Convention, qui est l’instrument relatif aux droits de l’Homme le plus largement ratifié de l’histoire. La Convention relative aux droits de l’enfant a incité les gouvernements à changer leurs lois et leurs politiques, pour que davantage d’enfants puissent accéder aux soins de santé et à la nutrition qui leur sont nécessaires. Il existe désormais de meilleures garanties pour protéger les enfants de la violence et de l’exploitation. Davantage d’enfants font entendre leurs voix et participent à la société. Il reste cependant encore beaucoup à faire [1].

Ces succès apparents nous permettent d’espérer que « l’intérêt supérieur de l’enfant » sera bientôt pleinement pris en compte partout dans le monde et mis en œuvre dans le cadre de toute décision concernant un enfant. Mais cet espoir est-il fondé ?

En 1991, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a été créé pour superviser la mise en œuvre des droits de l’enfant dans tous les États qui ont ratifié la Convention :

Le Comité des droits de l’enfant est un organe composé de 18 experts indépendants qui surveille la mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant par les États parties. Il surveille également la mise en œuvre des Protocoles facultatifs à la Convention, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (ainsi que le Protocole facultatif sur les communications) [2].

Tous les États qui ont signé la Convention doivent présenter un rapport au Comité, qui de son côté publie des observations finales contenant des recommandations sur la manière dont chaque pays peut mieux remplir son mandat. Cela devrait signifier que dans tous les États, la vie des enfants continuera à s’améliorer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de difficultés à éliminer. Dans ce cas, pourquoi des millions d’enfants souffrent-ils encore des conséquences de la violence, de la traite d’êtres humains, du manque d’accès aux soins de santé et de l’absence d’éducation appropriée, sans même savoir qu’ils ont des droits ? Peut-être parce que personne ne le leur a dit ou peut-être parce que personne ne veut le leur dire.

Il est indéniable que la Convention internationale des droits de l’enfant est un document très important – le seul, d’ailleurs, à avoir été ratifié par tous les États membres des Nations Unies, à l’exception d’un seul. Cela n’est pas anodin. Il est également évident qu’il n’a fallu que 30 ans aux États membres pour reconnaître que l’enfant n’est pas un objet mais un sujet de droits (même si cela n’est pas encore totalement accepté dans de nombreux pays). Ce délai est plutôt rapide si on le compare au temps qu’il a fallu pour que les gens comprennent que les enfants sont des êtres humains à part entière, dotés d’un ensemble complet de droits de l’Homme.

Cependant, il y a une grande différence entre la ratification et la mise en œuvre d’une convention et cela constitue le sujet de ce chapitre.

Obstacles à la mise en œuvre de la Convention

Après avoir travaillé presque toute ma vie sur ce sujet en tant qu’experte, conseillère et juge et après avoir directement travaillé avec le Comité des droits de l’enfant pendant huit ans, mon expérience de la mise en œuvre de la Convention dans les différents États m’inspire des sentiments plutôt mitigés.

À ma connaissance, aucun des États parties n’a pleinement mis en œuvre la Convention. Il est vrai que certains pays ont fait d’énormes progrès, comme les pays nordiques en Europe et une poignée de pays petits et riches qui peuvent se permettre d’investir dans les enfants malgré d’autres questions « plus importantes ». Un nombre non négligeable de pays n’a cependant pas fait de tels progrès.

Certains pays sont beaucoup trop pauvres pour être en mesure de traiter toutes les questions qu’un État a le devoir de traiter en vertu de la Convention. Même si ces pays reçoivent l’aide de donateurs (par exemple, pour mettre en place un système de travailleurs sociaux et les former), cette aide n’est pas durable : dès que l’aide prend fin, les travailleurs sociaux sont licenciés parce qu’il n’y a plus le budget pour les maintenir en poste. D’autres questions, comme l’achat d’armes, sont plus importantes pour les gouvernements que les droits de l’enfant.

Mon expérience m’a également montré que dans certains États, très peu de personnes connaissent l’existence de la Convention et encore moins son contenu. Si l’on demande à des diplomates, des étudiants ou des professionnels sur le terrain s’ils connaissent la Convention internationale des droits de l’enfant, beaucoup répondront qu’ils savent qu’elle existe ; mais si on leur demande ce qu’ils savent de son contenu, il n’est plus aussi certain qu’ils puissent en dire quoi que ce soit. Même au sein des ministères, bien des personnes n’ont pas lu la Convention et ne connaissent ni de près, ni de loin les droits de l’enfant tels qu’ils y sont énoncés. Quant aux quelques personnes qui l’ont lue, elles ne pensent pas qu’il soit utile ou pertinent d’en parler à d’autres membres de leur gouvernement, souvent pour des raisons politiques.

Certains pays manquent d’expérience dans l’accomplissement des devoirs qui incombent aux États parties en ce qui concerne la mise en œuvre de la législation relative aux enfants ; ils ne disposent ni du personnel formé pour effectuer ce travail, ni des infrastructures appropriées, ni des services chargés de faciliter la mise en œuvre, ni des chercheurs, ni des plans ou schémas directeurs dont ils auraient besoin. Même s’ils reçoivent de l’aide dans la planification, celle-ci ne débouche généralement pas sur des actions ; au mieux, quelques petits projets sont mis en œuvre.

À cela s’ajoutent les énormes problèmes posés par la religion, les coutumes et les traditions. De nombreux pays – plus nombreux qu’on ne le croit – ont des coutumes qui interdisent à l’enfant de s’exprimer. Beaucoup ont une religion dominante qui reconnaît les droits des familles mais pas ceux des enfants. Dans de nombreuses pratiques traditionnelles, les enfants n’ont aucun droit car, en tant qu’enfants, ils ne sont pas acceptés en tant qu’êtres humains à part entière. Ils sont considérés comme des « adultes en devenir » et n’ont donc pas les mêmes droits qu’un adulte. La Convention précise toutefois que les droits des enfants vont au-delà de ceux des adultes et incluent des droits supplémentaires liés à la protection[3].

Même parmi les pays qui ne sont pas pauvres, qui sont informés et expérimentés, et qui ne sont pas soumis à la forte influence de coutumes, de religions et de traditions contraires aux droits de l’enfant, certains éprouvent des difficultés à mettre en œuvre les articles ratifiés par la Convention parce que cela coûte cher. Comme le souligne souvent la presse, il n’est pas rare que des hommes politiques estiment que, les enfants ne pouvant pas voter, dépenser de l’argent pour eux n’est pas une priorité. Ils peuvent dire que les enfants sont l’avenir de leur pays, mais ils ne les considèrent pas comme une priorité au présent. Ils peuvent essayer de capter le vote des parents en disant que l’éducation est importante, tout en limitant leurs investissements dans les écoles, les universités et les établissements préscolaires. Un très petit nombre de pays a accordé le droit de vote aux personnes de moins de 18 ans ; cependant, même dans ce cas, si l’on consulte les programmes des partis, on constate qu’ils n’ont pas grand-chose à voir avec les intérêts et les besoins des jeunes. On entend des arguments à ce sujet : « Un jeune de 16 ans n’a pas besoin d’un programme ; il vote avec ses parents ou contre eux et c’est tout ce à quoi il pense ».

Veiller à ce que les droits de l’enfant soient pleinement respectés a un coût. Il faut des programmes, une protection, des outils, des projets, des infrastructures et des cadres et tout cela implique des dépenses. Il est cependant bien plus coûteux de ne pas mettre en œuvre les droits de l’enfant. Dans les pays dits riches ou moyennement riches, le coût de la mise en œuvre de ces droits est bien inférieur à celui d’un système judiciaire qui doit au final gérer les conséquences de l’absence de protection des enfants contre la violence, du refus de leur donner accès aux systèmes de santé (par exemple en guise de punition pour un avortement illégal), de l’absence de politiques contre le harcèlement ou le recrutement de jeunes par des gangs et de l’incapacité à mettre en place un système d’aide sociale efficace pour aider les enfants.

Les devoirs des États

Les États membres qui sont réellement désireux de mettre en œuvre la Convention devraient envisager : de développer les compétences linguistiques et techniques de leurs enfants ; d’améliorer la viabilité des infrastructures d’aide aux enfants ; de fournir aux enfants un accès aux services essentiels, tels que la santé (dans la plupart des pays, l’offre de soins de santé spécialisés pour les enfants, y compris des médicaments et des institutions spécifiques, est limitée voire inexistante) ; et de fournir une éducation qualifiée[4], une assistance sociale et des services de prise en charge (tels que le placement en famille d’accueil, le suivi psychologique ou des lignes d’assistance téléphoniques). Ils devraient également permettre aux enfants de participer aux discussions politiques en respectant l’article 12 de la Convention (le droit d’être entendu). L’implication des autorités locales est également essentielle : dans de nombreux États, ce sont elles, plutôt que les autorités centrales, qui savent le mieux ce dont leurs enfants ont besoin et comment résoudre au mieux leurs problèmes.

L’environnement est une question brûlante pour les enfants du monde entier. Un monde dans lequel le changement climatique et l’ultra-capitalisme causent simultanément des dommages n’est pas propice à la création d’environnements sûrs et sains, où les enfants peuvent jouer, vivre et grandir. Jouer dans un lieu où la priorité est d’extraire du pétrole, du cuivre ou de l’or est dangereux, tout comme l’est un climat sous lequel les forêts brûlent ou sous lequel les rivières en crue submergent des villages, des villes et même des îles entières. Quand est-ce que l’article 6 de la Convention – le droit de l’enfant à un développement sûr, lui permettant d’atteindre pleinement son potentiel – sera mis en œuvre dans ces territoires ?

Les recommandations de la Commission européenne sur les systèmes intégrés de protection de l’enfance, publiées en avril 2024, définissent un cadre général pour les mesures à prendre[5]. Avant tout, les pays doivent utiliser plus efficacement les ressources dont ils disposent déjà. Il s’agit notamment de :

  • améliorer la coordination et la coopération entre les différents secteurs et les pouvoirs publics, ce qui n’est pas toujours le cas en raison de l’« esprit de clocher » très répandu ;
  • fournir un soutien complet et coordonné – ce qui est souvent entravé par les organisations, les institutions ou les agences non gouvernementales qui veulent être vues comme la principale source d’aide ; et
  • consulter les enfants sur ce dont ils ont besoin pour se sentir en sécurité.

Lorsqu’on leur a demandé ce dont ils avaient besoin pour se sentir en sécurité, les enfants ont cité les points suivants[6] :

  • la possibilité de parler à quelqu’un en personne, pas en ligne ;
  • de l’aide pour lutter contre le harcèlement à l’école ou dans tout autre établissement ;
  • des informations sur les lieux sûrs où ils peuvent se rendre s’ils ne se sentent pas en sécurité dans leur foyer ou leur famille d’accueil ;
  • davantage d’informations pour les adultes sur la sécurité en ligne ;
  • des aires de jeux sûres, y compris pour les enfants en situation de rue;
  • la présence d’officiers de police qu’ils connaissent (à Ankara, par exemple, un programme a été mis en place dans le cadre duquel des officiers de police spécialement formés portent un badge indiquant aux enfants qu’ils sont prêts à les aider) ;
  • l’emploi de personnel scolaire supplémentaire (conseillers et travailleurs sociaux, par exemple) ;
  • des amis dignes de confiance parmi les adultes ; et
  • des professionnels de santé en mesure d’expliquer les soins de santé et les services sociaux aux enfants.

Les adultes de différents pays européens qui ont discuté des recommandations de la Commission européenne ont déclaré qu’ils souhaitaient recevoir des informations (notamment sur la santé mentale et la protection contre la discrimination dans ce contexte) et de l’aide lorsqu’ils en faisaient la demande et, dans la mesure du possible, travailler avec les enfants.

La mise en place d’un tel cadre contribuerait grandement à faire progresser un pays dans la mise en œuvre des droits de l’enfant.

Les États parties ont-ils la volonté réelle de procéder à des changements ?

Certaines problématiques liées aux droits doivent être réglées par chaque pays ayant ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant. Tout d’abord, un pays doit disposer d’un droit des mineurs qui protège les enfants et d’un droit pénal des mineurs (un droit pénal, incluant la déjudiciarisation et les alternatives[8], spécialement conçu pour les mineurs)[9]. Il est également nécessaire de disposer de tribunaux, ou au moins de sections de tribunaux, qui ne s’occupent que des enfants. Il faut également employer des personnes spécialement formées pour travailler avec les enfants. Il s’agit notamment d’officiers de police, de juges, de procureurs, d’avocats, de travailleurs sociaux et, si la privation de liberté est utilisée en dernier recours, d’agents pénitentiaires. Cela implique des coûts, mais le résultat est que les enfants qui ont reçu une explication et dont la voix a été entendue sont plus susceptibles de comprendre et d’accepter une décision[10]. Les pays doivent se doter d’une législation moderne qui vise à rendre la vie moins difficile aux enfants qui entrent en contact avec la loi.

La protection juridique est une autre question qui devrait être traitée par la loi et à travers sa mise en application. Il existe encore des pays dans lesquels les enfants peuvent être condamnés à la peine de mort, bien que l’exécution soit généralement reportée jusqu’à ce que l’enfant ait atteint l’âge adulte. D’après mon expérience, le plus souvent, ces enfants n’ont jamais vu d’avocat, parce que leurs parents n’ont pas les moyens d’en payer un et que l’État n’en a pas fourni – malgré le fait que la manière dont les aveux sont obtenus semble plus que douteuse. En outre, les avocats sont nécessaires pour protéger les enfants, victimes et témoins, de la souffrance et du risque d’être à nouveau traumatisés au tribunal. Combien d’États disposent de lois garantissant la protection des enfants concernés ou impliqués dans des procédures civiles telles que le divorce ou le placement en dehors de leur famille immédiate ?

L’article 2 de la Convention traite du principe de non-discrimination. Il stipule qu’aucun enfant ne doit se sentir discriminé pour quelque raison que ce soit. On peut donc se demander ce qu’il en est des nombreuses filles qui grandissent dans le monde. Dans combien d’États parties l’égalité des droits entre les filles et les garçons (femmes et hommes) est-elle inscrite dans la Constitution ? Dans combien de ces États qui ont inscrit l’égalité des droits dans la loi, les filles ne sont-elles pas entravées par le « plafond de verre » et les postes les plus élevés réservés aux hommes ? Qu’advient-il des filles dans tous les pays où il n’existe aucune protection juridique ou dans lesquels elles sont explicitement discriminées par la loi (où la propriété est par exemple réservée aux hommes), la religion (où les femmes sont par exemple considérées comme inférieures aux hommes) ou les coutumes (où les filles sont par exemple vendues en vue d’un mariage) ? Existe-t-il un plan pour une véritable égalité des sexes – pour une éducation et un investissement égaux dans l’avenir des filles, afin d’amplifier leur voix ? Existe-t-il vraiment une volonté de changement ?

En ce qui concerne la discrimination, dans combien d’États les enfants handicapés ont-ils une « vie inclusive » – en famille, au lieu d’être « rejetés » dans des institutions ; à l’école, au lieu de recevoir une « éducation spécialisée » pour ne pas perturber l’éducation des autres enfants ; au travail, au lieu de dépendre de la gentillesse d’autres personnes ? Encore une fois, il y a une grande différence entre l’existence de dispositions légales et leur mise en œuvre.

Un autre problème que l’on retrouve partout est l’augmentation de la violence – dans les familles, à l’école, au travail et dans la société. Que peut-on attendre d’un enfant qui a été battu par son père, harcelé à l’école et qui a rejoint un gang de jeunes méprisé par la société ? De nombreux pays lancent des projets de lutte contre la violence, mais ceux-ci ont peu de chances de réussir tant que la politique, les médias et les traditions continuent de l’exalter et tant qu’elle persiste dans l’éducation, la famille, l’école et les institutions.

L’expérience que j’ai acquise en rencontrant des enfants en prison dans certains pays a montré qu’un personnel compétent, de bons outils et un environnement approprié permettent d’éviter la récidive. Dans d’autres pays, les prisons pour mineurs sont horribles ; dans d’autres encore, les prisons pour mineurs n’existent même pas et les enfants sont emprisonnés avec les adultes, devenant leur proie. On peut en outre affirmer que dans ces pays, on emprisonne depuis bien trop longtemps les mauvais enfants pour les mauvaises raisons.

Les enfants privés de liberté se trouvent au bas de l’échelle financière dans la plupart des États parties. Ils ne votent pas, sont considérés comme une nuisance et il est fort probable qu’ils ne travailleront pas et ne paieront pas d’impôts, alors pourquoi miser sur eux ? Même si les « bonnes » institutions fermées prouvent que la réinsertion est possible, les politiciens et les gens en général ont tendance à croire aux stéréotypes négatifs.

Des problèmes similaires se posent pour les enfants en mouvement, qu’il s’agisse d’enfants issus de communautés itinérantes, d’enfants en situation de rue, de demandeurs d’asile, de réfugiés ou d’enfants victimes de la traite d’êtres humains. En vertu du Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants[11], tous ces enfants doivent bénéficier d’une protection dans l’État qui les accueille, même s’ils ne bénéficiaient pas de cette protection dans le pays d’où ils viennent. Qu’ils soient accompagnés d’un adulte ou non, les enfants en déplacement seront confrontés à des problèmes – et la nature de ces problèmes dépendra de la raison pour laquelle l’enfant est en déplacement. Un enfant réfugié a les mêmes droits aux soins de santé – y compris aux soins de santé mentale – qu’un enfant né dans le pays, même si l’État en question affirme qu’il n’y a pas suffisamment de services disponibles. Un enfant demandeur d’asile ou un enfant vivant ou travaillant dans la rue a le même droit à l’éducation (et le même devoir d’aller à l’école), même si l’État en question affirme qu’il n’y a pas assez d’écoles et d’enseignants. De même, un enfant victime de la traite d’êtres humains a le droit d’obtenir réparation et celui d’être aidé à rentrer chez lui, même si le système judiciaire de l’État concerné lui refuse toute aide parce qu’il a refusé de témoigner devant un tribunal et qu’il est maintenu en garde à vue.

Selon la Convention, lue dans son intégralité et ratifiée par tous les États parties qui l’ont signée, un enfant arrivant dans un pays donné doit automatiquement être traité de la même manière que tout enfant ayant la nationalité de ce pays. Ce principe est particulièrement important à l’époque actuelle, où de plus en plus de personnes, sur presque tous les continents, doivent fuir leur pays d’origine.

Un autre problème, plus pressant que jamais dans l’histoire (à l’exception peut-être du Moyen-Âge), est le nombre d’enfants touchés par la guerre. Ce problème est abordé non seulement par la Convention, mais aussi (outre les protocoles de Genève) par le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés[12].

Ici il faut avant tout s’occuper des enfants soldats, qu’il s’agisse de garçons ou de filles. Dans presque tous les États parties, les armées nationales n’utilisent pas d’enfants soldats, mais dans un certain nombre d’États des acteurs non officiels le font. Dans une large mesure, ils le font sans en être empêchés par l’État, qui est souvent trop faible pour pouvoir intervenir. Des programmes internationaux de désarmement existent certes, mais ils ne sont pas assez nombreux pour aider ces enfants, dont la plupart souffrent de lourds traumatismes, ne sont jamais allés à l’école et n’ont jamais vu de médecin de leur vie. Très souvent, les familles des enfants soldats refusent de les reprendre pour des raisons liées à la tradition ou la religion. C’est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de filles, qui ne peuvent plus être mariées. Elles n’ont donc pratiquement aucune chance d’avoir un avenir décent.

Dans les pays aujourd’hui déchirés par la guerre, il n’y a pas que les droits des enfants devenus soldats qui sont violés. Où est la protection des enfants dont les écoles ont été bombardées ? Où est l’assistance pour les enfants qui ont été utilisés comme boucliers humains ? Où y a-t-il suffisamment de soins de santé, d’éducation, de nourriture et d’endroits sûrs dans les camps de réfugiés ou dans les ruines des villes et des villages pour que les enfants puissent jouer ? Qui aide les fillettes de neuf ans qui ont été mariées par leur père à quelqu’un qui peut payer le prix et les nourrir ? Qui empêche le recrutement d’enfants par les belligérants ? Enfin, où est l’assistance juridique pour les enfants qui sont accusés d’être membres d’un groupe terroriste ou qui sont inculpés dans un contexte de lutte contre le terrorisme devant un tribunal militaire – d’autant plus que la Convention stipule clairement que les enfants ne doivent être traités que par des tribunaux pour mineurs[13] ? Est-ce la peur, la haine ou le besoin de vengeance qui empêchent la mise en œuvre des garanties juridiques les plus élémentaires pour ces enfants ?

Cette liste d’exemples de la manière dont les articles de la Convention et les recommandations du Comité n’ont pas été mis en œuvre est loin d’être complète. Comme nous l’avons dit au début de ce chapitre, l’existence de la Convention est une bonne chose, mais il reste encore beaucoup à faire.

Il est difficile de prédire quand cela se produira : comme chacun le sait, les enfants ne sont que des enfants, pas des adultes à part entière – et donc, pour de nombreux États parties, ils comptent moins.

Oh, oui, un enfant n’est qu’un enfant …

Footnotes

[1] « Organes conventionnels : Comité des droits de l’enfant », Haut-commissariat des droits de l’homme aux Nations Unies, https://www.ohchr.org/fr/treaty-bodies/crc.

[2] « Comité des droits de l’enfant », https://www.ohchr.org/fr/treaty-bodies/crc.

[3] AG Rés. 40/25, Convention relative aux droits de l’enfant (20 novembre 1989), arts. 3, 37 et 40.

[4] L’enseignement qualifié est un enseignement dispensé par un personnel qualifié disposant de tout l’équipement nécessaire (livres, ordinateurs, matériel d’écriture, etc.).

[5] Commission européenne, Recommandation de la Commission du 23.4.2024 relative au développement et au renforcement des systèmes intégrés de protection de l’enfance dans l’intérêt supérieur de l’enfant (avril 2024), https://commission.europa.eu/document/download/36591cfb-1b0a-4130-985e-332fd87d40c1_fr?filename=C_2024_2680_1_EN_ACT_part1_v8.pdf.

[6] Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, Observation générale 24 sur les droits de l’enfant dans le système de justice pour enfants, UN doc. CRC/C/CG/24, art. 40.

[7] Le Comité des droits de l’enfant des Nationas Unies définit les enfants des rues comme « des enfants qui dépendent de la rue pour vivre ou travailler, seuls, avec des pairs ou avec leur famille ». Cf. Bureau International Catholique de l’Enfance, « Les enfants en situation de rue. Une réalité mondiale alarmante »,, https://bice.org/fr/enfants-des-rues-ne-les-oublions-pas/#:~:text=Qu’entend%2Don%20exactement%20par,pairs%20ou%20avec%20leur%20famille.

[8] Une « déjudiciarisation » est une mesure qui donne à l’enfant la possibilité (avec son accord) de réparer le mal qu’il a fait sans avoir d’autres contacts avec la justice, par exemple à travers des travaux d’intérêt général, la médiation et les conférences familiales. Une « alternative » vise à donner à l’enfant une chance d’éviter d’être puni (en particulier par privation de liberté). Les exemples d’alternatives incluent les avertissements du tribunal, l’interdiction de se rendre dans certains lieux et l’éducation obligatoire. Pour plus d’informations, voir CRC/C/CG/24, art. 40.

[9] AG Rés. 44/24, arts. 37 et 40.

[10] AG Rés. 44/24 ; CRC/C/CG/24.

[11] AG Rés. 54/263, Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (16 mars 2001).

[12] AG Rés. 54/263.

[13] AG Rés. 44/24, art. 40 ; CRC/C/CG/24.

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